Wording du télétravail

Le Covid-19 a imposé le télétravail comme une norme incontournable. Les entreprises ont découvert avec enthousiasme leur capacité à s’organiser à distance en open spaces restreints, plus prosaïquement appelés par leurs utilisateurs : salon, cuisine, chambre voire salle de bain.

Des méthodes de travail s’installent, dont la terminologie, empruntée à l’anglais, a contaminé de façon virulente et exponentielle les télétravailleurs.

Home office, sweet home office...

Selon une enquête Ifop de 2018, 14 % des couples se rencontrent au travail. Depuis l’apparition du Covid-19, les autorités sanitaires compétentes se déchirent quant à savoir combien parmi eux résisteront au télétravail.

Si certains couples obligés de vivre et bosser sous le même toit apprécient ce laptop à laptop en amoureux, des sociovirologues du distanciel soulignent que beaucoup d’autres échafaudent plutôt des plans de sauvegarde de l’emploi sans préavis… applicables de préférence au conjoint.

Une étude de marché sur les modes de restauration dans l’Hexagone, révèle que le snacking [goûter ou casse-croûte en français] à toute heure a augmenté au détriment du déjeuner.

Tout en amplifiant le phénomène, le télétravail a également favorisé les services de livraison à domicile. Ainsi ont émergé des menus aux associations aussi osées qu’inventives telles que :

• Le kebab-frites en teamworking à la mode Agile.
• Le pad thaï au curry vert agrémenté de son PowerPoint aux 77 slides.
• Le bowl Vegan au roll de Deming.
• Le leanManagement Burger.

Saint Gastro, Deliveroo-nous du mal !

Afin de contrer le blurring (ou absence de frontière entre vie pro et vie perso), le podcast « Bien vivre le travail » recommande, si ce n’est pas déjà instauré, de « faire de son entourage un allié » en établissant des règles de vie communes (emploi du temps, répartition des tâches, garde alternée des enfants, pas d’intrusion inopinée dans le « bureau »).

D’autant que l’infanticide, le parricide et le féminicide sont durement réprimés par la loi.

Travailler « en remote », littéralement « éloigné, isolé », c’est travailler à distance. Mais quand les plages hebdomadaires de télétravail remplissent la semaine ouvrée et quelques week-ends au point de ne plus jamais se rendre au bureau, on parle de « full remote ». On oublie, dans ce cas, les locaux de sa boîte, puisqu’ils n’existent plus.

Quelques voix commencent cependant à s’élever pour alerter sur l’apparition d’un variant dit « SBF » (sans bureau fixe). Il s’agirait de salariés en « full remote » mutants, en plein déni de réalité, qui se nourrissent du fol espoir insensé de retourner un jour travailler au bureau.

Regards décalés, prises de parole qui se chevauchent, silence pesant ou cacophonie, échanges maladroits ou insatisfaisants, connexions parfois mauvaises…

Combien d’entre nous n’ont-ils pas expérimenté ces désagréments liés à un usage compulsif quasi vital de la visioconférence et d’un réseau surchargé ?

Sur une mosaïque Teams, la fluidité et la spontanéité des échanges de la « vraie vie » nous manquent cruellement.

À propos de vraie vie, si vous avez cru reconnaître une description de votre couple au début de ce texte, n’hésitez pas à consulter d’urgence un conseiller conjugal et marital… même par visioconférence.

Notre vie n’est pas un fond d’écran sur lequel nous pouvons ouvrir une multitude de fenêtres en même temps. Les espaces incompatibles – privés et professionnels, intimes et sociaux – ne peuvent se confondre et se superposer sans dommage.

Pourtant le télétravail voudrait nous faire croire à la magie du « multitasking » (« je peux regarder ce film en répondant à mes messages »), mais l’expérience du vécu nous ramène cruellement à la réalité objective.

Ceux qui, en organisant un REX par confcall, ont tenté de faire cuire une pizza quatre fromages en gérant la crise existentielle de leur ado en pleine rebellion tout en changeant les couches du petit dernier sous la pression de la charge mentale liée au conjoint défaillant, nous comprendront.